Nom du pouvoir : Toucher énergétique
Description du pouvoir : Par simple contact, Uriel est en mesure d'agir sur l'énergie vitale de la cible. Cela se traduit, dans la plupart des cas, par une absorption, proportionnelle au temps de contact. Uriel s'approprie ainsi les pensées, émotions, souvenirs et, le cas échéant, les pouvoirs de la victime de façon temporaire (techniquement, le temps du RP, si celui-ci dure moins d'un jour). Si le contact est court, l'autre personne ne sentira qu'un bref étourdissement éphémère. Si le contact persiste, l'autre personne peut s'évanouïr mais, la tendance de l'énergie à s'équilibrer l'empêchera de se vider complètement et de mourir. Avec le temps, la maitrise du flux d'énergie pourra également s'opérer en sens inverse, affaiblissant Uriel dans le but d'améliorer l'état de santé de la cible, ou de lui communiquer souvenirs, pensées, émotions … La maîtrise de cet aspect du pouvoir constituera le point culminant de la force d'Uriel.
Les conséquences d'une absorption pour Uriel sont relatives à la quantité d'énergie absorbée. Si celle-ci est importante, Uriel peut être rendu fou, complètement déboussolé par une sorte de fragment de la personnalité de la cible qui s'immisce en lui, perturbant ses repères, ses pensées et ses actes. Les pouvoirs peuvent lui échapper complètement en terme de maîtrise, le rendant dangereux pour lui-même autant sinon plus que pour autrui. Enfin, quand les effets de l'absorption s'estompe, une grande faiblesse l'envahit, s'accompagnant aisément de migraines voir, dans certains cas lorsqu'il absorbe à intervalle réguliers l'énergie d'une même personne, de perte de mémoire. Les effets de l'émission d'énergie sont les mêmes que ce que ses cibles subissent lorsqu'il les absorbent.
Lorsqu'Uriel utilise ce don sur un être doué d'une capacité, il ne le prive en aucune façon d'en faire usage.
Maitrise : Au jour d'aujourd'hui, Uriel est encore à porter de longs vêtements et des gants en tissu délicat mais recouvrant complètement ses mains de peur d'entrer en contact avec le premier pauvre malheureux qui s'en approcherait de trop près. Traumatisé par l'idée simple de toucher quelqu'un, même recouvert d'une armure en plomb à double épaisseur, il ne perçoit qu'à peine les sensations du flux d'énergie qui le pénètre lorsqu'il a le malheur de faire usage de son pouvoir (toujours bien involontairement). Uriel n'a aucune idée de l'étendu de son pouvoir, ni de l'exacte définition de ce dernier. Ayant rarement été en présence d'un autre être capable de magie, il n'a pas encore conscience de sa faculté à pouvoir imiter tous les dons. De même, les souvenirs, pensées et émotions de sa victime viennent à son esprit comme par flash, quasiment indépendamment de sa volonté. Uriel sent davantage qu'il subit son pouvoir plutôt qu'il n'en fait usage. Il n'a pas vraiment comme projet de développer sa faculté. Il préfèrerait surtout la comprendre pour savoir comment ne pas s'en servir et éviter de voir ceux à qui il serre la main s'écrouler autour de lui. En somme toute, son « pouvoir » lui apparaît comme une malédiction plus qu'autre chose ...
Spoiler : Uriel avait sept ans lorsqu'il entra pour la première fois dans un de ses établissements. Ses migraines incessantes, répétés, démentielles, qui accompagnaient ses éternelles insomnies ont eut raison de la patience de son paternel qui, lui aussi, commençait à ne plus pouvoir dormir à force de devoir s'occuper de son jeune fils toutes les nuits. Une injection le calma mais le jeune Uriel continuait les examens médicaux enrichis en scanner, IRM et autres imageries médicales radioactives dirigées par son père, directeur d'une firme multinationale de médicaments, pharmacien biologiste de son état civil. Il recourut régulièrement aux injections, donnant des résultats très éphémères mais impressionnants qui les suivait un temps avant de dégringoler à nouveau.

Psychologie/Caractère : Beaucoup diraient qu'il est assez complexe d'être à la fois charismatique et réservé. Pourtant, de nombreuses figures de sociétés ont traversés les siècles, véhiculés par de prodigieuses prestations publiques, le mots qui touche, l'exploit qui émeut, pour être cependant, de grands timides dans leurs sphères privées. Tout est une question de feeling. Et c'est peut-être cela que le résumé le plus simple de la psychologie d'Uriel Diamond. Connaissez-vous le Chronos, ce temps éternel des évènements qui se suivent et le Kairos, l'instant unique, opportun ? Uriel vit dans le Kairos, constamment à faire ce qu'il déteste le plus : choisir pour agir.
Le jeune homme s'est orienté vers des études de droits car il prône des idéaux de justice, d'équité et de défense de la veuve et de l'orphelin. Son intérêt pour le théâtre lors de ses jeunes années l'a conduit à développer une faculté intéressante qu'est de se mettre dans la peau d'un autre et notamment, pour se débarrasser de toute gêne quant à s'exprimer en public. Ce passionné de lettres n'a pas attendu pour user des expressions cueillies avec soin dans les milliards de livres qu'il a dévoré. Néanmoins, il demeure un grand timide.
Chacun sa manière d'exprimer son caractère. Uriel est plutôt du genre à ne rien dire, ne rien faire sinon qu'observer. Placé dans une situation à laquelle il ne s'attendait pas (il a toujours eut horreur de l'imprévu), il reste dans un coin pendant quelques minutes, le temps de réunir les informations dont il a besoin pour « jouer son rôle » et interagir avec assurance. Analytique, critique, intelligent, le jeune homme dit lui-même ne pas mériter ces qualificatifs. En réalité, il est hypermnésique, au sens médical du terme. Son cerveau retient tout, suite à un problème d'altération des souvenirs. Ainsi, tout ce qu'il vit passe directement de la mémoire à court terme vers la mémoire à long terme. Si ce problème génétique peut paraître merveilleux, les migraines terribles, les accès de paranoïa, les longues scéances solitaires où il faut classer les informations pour ne pas devenir fou … peuvent tâcher le tableau. Il est ainsi très difficile pour lui de construire des relations, en effet, comment peut-on pardonner quand la faute commise nous donne constamment l'impression qu'elle vient juste d'avoir eut lieu ?
Du fait de craindre de finir par tout oublier, tout confondre et se perdre dans la masse d'information que sa mémoire refuse de perdre, mais aussi du fait d'un intérêt débordant pour l'art, le jeune homme est un artiste polyvalent. Musique avec le piano comme instrument de prédilection, conservatoire et tout et tout ; Théâtre, bon pour la confiance en soi et le développement du charisme ; mais aussi quelques notions en dessin, bien qu'il n'égalera jamais les romantiques et impressionnistes qu'il admire.
Uriel rejette tout ce qui a trait à la politique ou à l'économie. Bien que ses études soient en relation étroite avec ses domaines, pour lui, l'argent et les magouilles de pouvoir sont tellement encrassées mais malheureusement si ancrées dans l'humanité qu'elles sont probablement les pires tares de l'être humain. Uriel, hypersensible invaincu, est une âme fragile d'humaniste affirmé.

Morphologie : Uriel n'est certainement pas un body-buildé et ses convictions ne l'entraineront jamais dans cette direction. C'est un jeune homme qui aime prendre soin de son corps avec modération. Un footing de temps à autre, un passage en salle de sport au moins tous les 3 ou 4 jours sans faire toute une salade s'il manque un des rendez-vous, une alimentation surveillée mais qui s'autorise bien des gourmandises qui feraient hurler les nutritionnistes, etc. … Uriel est, de fait, un homme svelte, aux contours musclés mais en finesse, tout dans la suggestion plus que dans l'affirmation. D'une taille relativement moyenne, peut-être un peu plus petit que la « normale », il aime plaisanter en déclarant qu'au moins, il peut être convaincu que ses pieds touche le sol. Gymnaste à ses heures, il dérive davantage vers des cours d'art martiaux légers, n'appréciant guère d'aller faire du sport pour revenir avec des ecchymoses et autres fractures. D'ordre général, c'est un garçon charmant, avenant, aux traits parfois légèrement féminins, mais l'art toujours bienveillant bien qu'on puisse repérer, avec attention, les traces dissimulés des cernes sous ses yeux, reliquats de nuits difficiles …
Blond aux yeux bleu tirant sur le gris, on pourrait s'attendre à un comportement de charmeur invétéré, cumulant les conquêtes comme un collectionneur de capsules de bières. Mais il n'est est rien. Ce jeune homme dont la finesse s'affiche aussi sur les traits de son visage laisse parfois sa barbe s'enquérir de la lumière du jour, mais jamais bien longtemps. Il se tient droit, comme tous les jeunes gens de ses nobles familles qui, fort d'un capital important, instruisent leurs enfants dans la discipline et la bonne tenue. Du coup, Uriel a tendance à marcher d'un pas d'automate et à avoir sacrément mal au dos en soirée.

Style vestimentaire : Une myopie très légère pousse Uriel à sortir ses lunettes en cas de fatigue, généralement tard le soir lorsqu'il potasse encore et toujours ses livres de droits et de psychologie. Équipé d'une paire solaire lorsqu'il sort, il peut inquiéter quelques personnes sur son passage, bien qu'il ne présente pas vraiment le physique du videur de boite de nuit ou du mafioso mal-intentionné. En effet, il porte bien souvent un long manteau noir dont l'extrémité vient effleurer le creux de ses genoux, et dont le bout des manches rencontre un gant en tissu noir, parfois en cuir de même teinte si le temps est frais, sur chaque main. Ses gants, il ne s'en débarrasse jamais, excepté lorsqu'il est convaincu de sa solitude. Les conséquences de leur perte serait tellement terribles …
Uriel apprécie les chapeaux, et notamment une préférence pour les bords un peu larges et plats. Les hauts de formes sont réservés à quelques occasions, étant rarement très appropriés aujourd'hui. Généralement, un fin bandeau de cuir borde la base de ces accessoires, et plus exceptionnellement, une plume. Il a tendance à nommer ses chapeaux, comme des camarades, bien qu'il s'agisse davantage d'une plaisanterie avec lui-même que d'un sérieux coup de folie (même si ça lui arrive, dans d'autres domaines!).

Maladie/allergie : Uriel est hypermnésique reconnu médicalement. Un problème au niveau des neurotransmetteurs dans la région hypothalamo-hypophysaire et de hippocampe ainsi qu'au niveaux des aires associatives cérébrales qui se traduit par une mémoire parfaite de tous les évènements, images, sons, sensations, émotions … Cette malformation génétique a pourri son enfance de migraines affreuses lorsqu'il n'arrivait plus à distinguer ce qui relevait d'hier ou des trois derniers mois, l'affaiblissant parfois jusqu'au bord du coma, et l'entrainant régulièrement dans différents hôpitaux pour divers scaners, IRM et autres imageries pour tenter de comprendre son problème. Parfois atteint de paranoïa suite à ce problème, Uriel doit, à intervalles réguliers, faire le point sur son vécu pour classer les informations et essayer de donner de l'ordre à sa vie. C'est aussi une raison de son caractère qui le pousse à prendre le temps d'observer avant d'agir. Parfois hystérique lorsqu'un excès d'information est atteint, il a alors besoin de solitude et d'anti-dépresseur relaxant pour se calmer. Ce mal l'a conduit à devenir légèrement agoraphobique.

Autres : RAS

« Alors … où en étions-nous restés la dernière fois ? »

Uriel leva les yeux vers l'homme en face de lui. Entre eux, un bureau de bois massif, poli, sobrement décoré. Très classe. Son interlocuteur s'accordait parfaitement avec le meuble imposant. La peau aussi sombre que son smoking impeccable de grande marque, il observait avec attention chacune des esquisses de gestes de son patient. Et pourtant, ce dernier restait de marbre, figé, comme s'il faisait également partie du décors. Un long silence s'imposa.

« Vous aviez tenté d'aborder mon enfance ... » Murmura distinctement Uriel.
« En effet. » Répondit le psychiâtre.

Le professeur Rutherclint était un éminent homme dans son domaine. Les multiples récompenses à ses innombrables thèses scintillaient dans l'étagère derrière son bureau. Beaucoup de simples d'esprits le comparaient facilement à Freud. Des esprits plus éclairés savaient qu'il y avait encore un fossé entre eux, mais qu'effectivement, le brillant professeur pouvait prétendre comprendre un fragment de l'immensité des théories freudiennes. Les riches esprits économes quant à eux, estimaient qu'à 1.500£ la scéance d'une heure trente, ce n'était plus de la psychologie, mais du vol.
Les mains du spécialiste se joignirent tandis qu'il ne quittait pas les yeux de son patient du regard.

« Je vous écoute, Uriel »

Il savait parfaitement qu'il lui demandait quelque chose de compliqué. Jamais il ne pressait les sujets de parler. Chacun d'entre eux était libre de dire ce qu'il devait dire, ce qu'il fallait dire, ce qu'il pouvait dire. Lui n'était là que pour révéler leur vérité enfouie, celle qu'il ne voulait pas ou plus entendre. Mais cette fois-ci, c'était un peu différent. Uriel était hypermnésique. Ainsi, ses souvenirs étaient toujours intacts, comme s'il venait à peine de les vivre. Et le professeur savait qu'ils n'étaient pas des plus joyeux, pour la plupart.
Uriel était né en France, dans la prestigieuse ville parisienne. Ses parents étaient sans doute aussi connu que le docteur Rutherclint. Nathanaël, son père, était le dirigeant d'une des plus grandes firmes pharmaceutiques au monde, réalisant un chiffre d'affaire ahurissant, résultat d'un projet lancé par son arrière grand père, lui même descendant d'une génération de pharmaciens, nouveau nom des apothicaires de l'époque, et notamment d'un des grands dirigeants d'une de ses puissantes corporations d'apothicaires qui dominèrent le marché de la renaissance. L'homme était originaire d'Angleterre, et sa famille y avait longuement vécu, bien qu'elle fit de nombreux aller-retours en France. Natacha, sa mère, était d'origine française. Simple jeune femme de bonne famille, elle avait néanmoins un talent fou pour galvaniser les foules, et cela se traduisit par une ascension politique surprenante si bien que, enceinte d'Uriel, elle était déjà membre de la Cours Européenne de Justice. Mais elle avait vite décliné …
Hanté par des problèmes de sommeil liés au surmenage, il s'était écoulé deux mois après la naissance d'Uriel pour qu'elle ait recours aux premières injections des maisons de Somnolence. Ainsi commença-t-elle à recourir à ces services. Mais très vite, le jeune Uriel montra qu'il n'était toujours pas en mesure de faire ses nuits et souffrait bien souvent d'étranges fièvres que les médecins ne parvinrent pas à expliquer. C'est pourquoi, on lui prescrivit une petite injection dès ses premières années, et les choses semblèrent s'améliorer.
Pourtant, très vite, les problèmes de sommeil du jeune garçon revinrent. Cette fois, il pouvait expliciter ses douleur. Des migraines faramineuses qui le rendait presque comateux l'entrainaient vers les hôpitaux les plus renommés pour un « check-up complet » avec toute une panoplie de machine radioactives, IRM, scanners, radios et j'en passe. Mais les médecins, peu fiers du manque de connaissances sur le cerveau, n'étaient jamais en mesure d'estimer la maladie. Par contre, ils diagnostiquèrent chez la mère un cancer du cerveau qui se généralisait.
Au fur et à mesure des années, les jours étaient calmes bien que mélancoliques et tristes car la mère dépérissait dans sa chambre toujours plus affaiblie devant son fils à son chevet, et les nuits étaient de véritables enfers. Natacha, suite à ses injections, avait développé une capacité effrayante. Chaque nuit, elle vivait un meurtre qui se produisait quelque part dans le monde, dans ses rêves. Elle jouait constamment le rôle de la victime, et il pouvait lui arriver de se retrouver avec une plaie atténuée au réveil. Ceci ne l'aida pas à survivre bien longtemps à son cancer. Dès sept ans, Uriel reprit les injections d'elixir de façon désormais régulière et pu, quelques nuits, retrouver un sommeil correct.
A côté de cela, le jeune homme était constamment sollicité par son paternel pour se développer. Cours de bonne conduite, école des plus remarquables (sa mémoire, bien qu'il l'ignorait encore, l'aidait particulièrement à avancer rapidement et brillamment dans ses études), piano au conservatoire, du théâtre éventuellement pour se détendre, mais aussi des cours d'art martiaux pour savoir se défendre d'une agression et éviter ainsi d'être sujet d'une rançon par quelques ravisseurs malintentionnés …

« J'ai tué ma mère à 10 ans ... » Déclara sobrement Uriel, mais il ne pu empêcher les larmes de lui monter aux yeux.

En effet, voilà bientôt onze longues années qu'Uriel vivait avec cette abominable pensée. Alors qu'il rendait visite à sa mère, le visage émacié, incapable de tenir assise dans son lit, à peine en mesure d'avaler de la soupe, celle-ci lui réclama un câlin. Il s'était tout doucement glissé dans ses bras, trouvant une chaleur atténuée mais tellement réconfortante, et ses peines s'envolant aussitôt vers des contrées lointaines pour laisser place à un petit bonheur bien mérité. C'est alors qu'il avait perçu que quelque chose n'était pas normal. Cette chaleur soudaine, bien que d'une douceur sans pareille, au niveau de sa joue qui touchait celle de sa mère. Il se sentait envahit de fourmillement, d'un fluide immatériel, de force. Sa mère poussa un soupir et s'écroula dans ses oreillers. L'assistance cardiaque à laquelle elle était branchée se mit à hurler. Dès lors, son père entra en trombe, suivit par une demi-douzaine d'hommes et de femmes. On mit l'enfant dehors. L'enfant se sentait bizarre. Une partie de lui était restée dans cette chambre. A moins qu'une partie de sa mère venait de le suivre dans le couloir. Sa respiration s'accélérait tandis qu'il entendait les tentatives de réanimations cardiaque. Et pendant qu'il paniquait, il lui semblait entendre de très loin une voix familière d'une femme douce qui lui disait « Ne t'inquiètes pas, ce n'est pas grave, il vont me sauver ... ».
La nuit, Uriel fit un rêve horrible. Il fut la victime d'un pervers qui abusa d'un jeune homme d'une quinzaine d'année, dans l'ambiance effrayante d'une chambre qui semblait être celle de la victime, victime qui semblait trop tétanisée pour oser véritablement se défendre. Il s'éveilla avec la curieuse impression d'avoir manqué de justesse de s'étouffer, frissonna, et tomba sur le sol, crispé de terreur et de douleur qu'il avait partagé avec ce garçon. Trois jours plus tard, après une lutte effrénée, sa mère décédait des suites d'une baisse fatale d'énergie.

« C'était ma faute. Je n'aurais jamais du la toucher. Comme Ana ... » Continuait-il sans pouvoir retenir ses larmes.

A quatorze ans, il était déjà un jeune adolescent en pleine croissance, le calvaire de l’acné ayant prise sur lui, comme bon nombre de ses contemporains, mais il ne ressemblait fort heureusement pas à une calculatrice ambulante. Déjà qu'il était mal vu de tous ses camarades plus âgés pour avoir des résultats extraordinaires dans tous les domaines. Mal vu de tous, sauf d'Ana, une jeune demoiselle d'un an d'avance qui avait donc seize printemps à son actif. Faute d'être tout deux rejetés, tels les philosophes rentrant à la caverne que décrit Platon entre deux lignes du Mythe de la Caverne, ils s'apprécièrent rapidement, la jeune fille affrontant avec succès le premier mutisme réservé du jeune homme. Arriva ce qui du arriver, au cours de l'année, elle s'avança pour l'embrasser. Et le drame recommença. A peine ses lèvres eurent rencontrées celles d'Uriel qui était aux anges qu'une nouvelle chaleur l'envahit. Alors, il rouvrit les yeux et rattrapa de justesse la demoiselle qui venait de perdre l'équilibre. Et comme sa main était encore en contact avec son bras nu, elle était toujours sous l'emprise de ce qu'il comprit être une malédiction avant d'être un pouvoir. Elle lui hurla de la laisser, et jamais plus ils ne s'adressèrent la parole. Le record du temps du premier amour. A peine deux minutes …
Amour. Amour rimait avec Andrew. Il s'agissait d'un jeune homme rencontré sur les bancs de la faculté de droit dans laquelle il s'était engagé dès quinze ans. Lui en avait dix-neuf, mais Uriel faisait plus vieux que son âge, fort d'une adolescence rapide et sur le point de s'achever à cette époque. Andrew lui avait fait découvrir le véritable sens de l'amour. Ce n'était pas quelque chose qui s'arrêtait aux sexes, à un simple feeling, à un état d'esprit. C'était tellement plus profond. Tellement univers. Tellement ancré dans l'homme. Absolument non maîtrisable. Andrew aussi l'avait l'embrassé. Andrew aussi, la première fois, s'était écroulé. Mais il avait cherché à comprendre. Il ne l'avait pas abandonné. Jusqu'à ce que, après deux ans d'histoire, leur fougue depuis si longtemps retenu ne faillisse avoir raison du bel amant, l'envoyant dans le coma. Pendant encore deux ans, Uriel allait régulièrement s'enquérir de l'état de son ami à l'hôpital qui, une fois miraculeusement sorti d'affaire, n'avait conservé aucun souvenirs. Aucun. Il ne le reconnaissait même plus.

Uriel s'écroula en silence, plaquant ses mains contre ses yeux comme pour en arracher les larmes à tout jamais. Il s'écoula un long moment, seulement entrecoupé des bruissements du psychiatre qui notait tout ce qu'il avait pu comprendre dans deux pauvres phrases et quelques pleurs. Soudain, Uriel se releva, droit, digne, toute trace de peine ayant quitté son visage. Il enfila prestement son manteau et son chapeau et se dirigea vers la porte.

« Je préfère arrêter la thérapie ici. Définitivement. Bonne journée. » Déclara-t-il fermement.
« Mais ... » Commença le psychiatre qui, au bout d'un nombre incroyable de séances, venait enfin d'obtenir quelques mots de son patient.

Uriel avait déjà claqué la porte. Respirant l'air frais de la rue, il s’engouffra dans sa voiture hybride noire mais d'allure modeste. Il détestait faire son « gosse de riche » en se pavanant affublé de mille richesses de pacotille. Une voiture était une voiture point. Il mettait juste une certaine importance dans l'écologie. L'avantage de l'hypermnésie était qu'une fois entrainée, elle pouvait lui permettre de couper court avec les évènements et chasser de sa mémoire les souvenirs douloureux, quand il y arrivait, afin de ne pas être affecté par ses émotions et ainsi, porter un jugement plus critique que jamais sur sa vie … quand il était en mesure de faire tout cela, ce qui était loin d'être le cas tous les jours. Il décrocha son téléphone.

« Oui papa ? Oui je sors de chez le professeur Rutherclint qui m'a confirmé être très satisfait des progrès que nous avons fait. Il estime que je n'ai plus avoir besoin de le revoir désormais bien qu'il reste à ma disposition si le besoin se fait sentir. »
« Excellente nouvelle ! Bien, je vais avoir besoin de tes compétences juridiques à propos d'un document suspect … je crois qu'on veut me rouler, je te faxe ça. Quand pourras-tu y jeter un œil ? Je sais que l'économie et le marché c'est pas ta tasse de thé mais ... »
« T'inquiètes donc pas, c'est pas parce que je fais du droit et de la psycho pour devenir criminologue que je ne peux pas me servir de mes connaissances en droit pour de l'économie, même si j'ai horreur de ça. Envoies-le. Il fait beau à Hong-Kong ? Quelle heure il est ? »
« Merci ! Ça va. Il est tard. Faut que je file moi. A bientôt, fils. »
« Salut Papa ... »

Le sourire qui animait le visage d'Uriel venait de disparaître quand le moteur s'éveilla et fit démarrer la voiture.

 

Il y a des choses à faire et d'autres à ne pas faire. Conduire sans téléphoner en respectant le code de la route. Bien. Avoir l'esprit fixé sur un document juridique mémorisé en trente secondes le matin même pour repérer les failles dans le contrat d'assurance tout en conduisant. Pas bien. Mais la circulation était dense, ce matin, et Uriel, s'il n'était pas trop occupé avec ses pensées, aurait craint d'être en retard à la faculté, malgré qu'il partait toujours particulièrement en avance. Le trafic évoluait par à-coups, faute à un accident survenu quelques kilomètres plus loin. Heureusement, le jeune homme prendrait la première sortie.
Profitant d'un moment d'arrêt, Uriel attrapa son Iphone qu'il plaça dans un recepteur adapté à sa voiture en appelant son père. Après quatre sonneries, un homme décrocha avec une voix particulièrement ensommeillée.

« T'as encore bu ! » Lui reprocha Uriel.
« Qu'est-ce que t'as ? Pourquoi t'appelles si tôt ? » Rétorqua son père d'un ton pâteux.
« C'était pour ton document. Les formulations sont lourdes et maladroites mais dans le fond, tout y est. Demandes une reformulation par tes avocats et ainsi, les termes seront plus clair. Et ne me reproche pas t'avoir téléphoné, c'est toi qui m'a demandé d'aller au plus vite, quitte à te réveiller au beau milieu de la nuit ... »
« C'est clair qu'avec toi et ta mère, j'ai l'habitude ... » Fit son père d'un ton cinglant.

Uriel raccrocha et démarra en trombe. Enfoiré. Il n'avait pas le droit de lui faire ça. Il savait. Il le savait ! Sa vision se brouillait déjà tandis qu'il freinait un peu trop pour ne pas percuter le véhicule d'en face qui s'était à nouveau immobilisé. Il serra les mains sur son volant, essayant de garder le contrôle de lui-même, de ne pas se laisser submerger par l'émotion. La mort d'une mère est un événement terrible. C'est peut-être pire, en quelque sorte, quand parce que vous avez une mémoire éternelle, vous le revivez comme si vous y étiez à nouveau à chaque évocation de votre mère.
Uriel s'évertuait à pratiquer un des exercices de méditation auquel il recourait dans ces cas là. Occuper son esprit avec autre chose, imaginer quelque chose d'irréaliste. Alors, il prit l'image du document de son père en tête et la broya de toutes les façons les plus originales qu'il pouvait trouver. Après le passage sous une tondeuse à gazon miniature et le moulinage dans le mixeur, il s'engouffra dans la sortie de la voie « rapide ». Heureux de l'espace dégagé, il enfonça la pédale de l'accélérateur. Il était temps de faire en sorte de ne pas arriver en retard.

C'est curieux comme le destin n'a pas toujours les mêmes ambitions que nous. Si bien qu'à un virage un peu trop serré et pris un peu trop rapidement, Uriel entra en une légère collision avec un véhicule déjà bien cabossé. Et flûte. Pour rester poli. Vraiment, ça n'allait pas être sa journée. Affichant un sourire gêné sur son visage grâce à son retro, il se glissa dehors et s'adressa à l'autre conducteur ...

« Excusez-moi, vous n'avez rien ? Je suis désolé, je suis complètement en faute … Si vous voulez on peut faire un constat … »

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